Quand la fiction interroge l’avenir

Publié en 1872 sous le pseudonyme de Laurence Oliphant, quelques mois avant la mort de son auteur, le roman d’Edward Bulwer-Lytton « La Race future » (également connu sous le titre « La Race à venir… Celle qui nous exterminera ! » ) continue de fasciner aussi bien les amateurs de science-fiction que les penseurs s’intéressant aux idées futuristes.
Dans cette œuvre, l’auteur décrit une civilisation souterraine hautement avancée, celle de la nation des Vril-ya (ou « Vrilites » pour simplifier), détenteur d’une technologie stupéfiante et d’une énergie mystérieuse appelée Vril. Mais ces idées sont-elles vraiment si irréalistes ? Et quels dangers peuvent-elles cacher ?

Les Vrilites : des surhommes ou une impasse évolutive ?

Bulwer-Lytton dépeint les Vrilites comme une race surpassant largement l’humanité en termes d’intelligence et de capacités physiques. Leur société repose sur une harmonie sociale rigoureuse, des progrès scientifiques impressionnants et l’utilisation de l’énergie Vril, capable à la fois de créer et de détruire.
Cette vision reflète à la fois les espoirs et les peurs du XIXe siècle.
D’un côté, le roman incarne une foi inébranlable dans le progrès scientifique et la supériorité technologique. De l’autre, il met en garde contre une possible dégénérescence de l’humanité face à l’apparition d’une espèce plus évoluée.
Bien que la science moderne n’ait pas découvert de civilisations cachées ni de sources d’énergie comparables au Vril, les avancées actuelles en intelligence artificielle, ingénierie génétique et cybernétique relancent la question : l’émergence d’un « nouvel homme », surpassant ses ancêtres
comme les Vrilites dépassaient les leurs, est-elle envisageable ?

Le danger de l’idée d’une super-race

La menace principale soulevée dans le roman ne réside pas tant dans le progrès technologique que dans les implications sociales de ces idées. Au XXe siècle, le concept de super-race a été récupéré par l’idéologie nazie, justifiant eugénisme et génocides.
Sans le vouloir, Bulwer-Lytton a alimenté des théories pseudoscientifiques sur l’existence de races « supérieures » et « inférieures ». La vision élitiste incarnée par les Vrilites a nourri des mythes modernes sur des groupes secrets détenant des connaissances occultes et contrôlant le monde.
Aujourd’hui, de telles idées pourraient donner naissance à des utopies technocratiques, divisant l’humanité en « élus » et « obsolètes ». L’essor de technologies comme l’intelligence artificielle et l’édition génétique suscite déjà des craintes quant à leur utilisation pour créer de nouvelles hiérarchies sociales et biologiques.

Quel réalisme dans les idées du roman ?

Sur le plan scientifique, le concept d’une énergie semblable au Vril évoque les recherches actuelles sur les énergies renouvelables et les technologies quantiques. Cependant, la capacité des Vrilites à manipuler la matière par la pensée reste purement fictive.
Toutefois, le roman peut être interprété comme une métaphore. Aujourd’hui, les technologies confèrent à certains groupes un pouvoir disproportionné sur d’autres. La question n’est pas tant de savoir si des surhommes pourraient exister, mais plutôt comment la société peut gérer les inégalités engendrées par le progrès technologique.

Entre prophétie et avertissement

« La Race future » n’est pas seulement une spéculation sur l’avenir, mais surtout une mise en garde contre les conséquences d’un progrès scientifique et social incontrôlé.
Le danger que recèle l’œuvre de Bulwer-Lytton réside dans sa capacité à inspirer des idéologies élitistes, justifiant la domination de certains sur d’autres. Mais elle rappelle aussi que les technologies ne sont ni bonnes ni mauvaises par essence — tout dépend de l’usage que nous en faisons.
Dans un monde confronté aux défis de l’intelligence artificielle, de la bio-ingénierie et de l’automatisation, le roman pousse à réfléchir sur l’avenir. Resterons-nous maîtres de nos technologies ou céderons-nous la place à de nouveaux « Vrilites » ?

Une fiction toujours actuelle

Ce récit, écrit il y a plus d’un siècle, continue de résonner dans notre époque marquée par des transformations rapides et parfois vertigineuses.
Entre mythe et avertissement, il nous interpelle sur les risques d’une humanité qui, en poursuivant l’innovation, pourrait se perdre elle-même.
Ainsi, « La Race future » n’est pas qu’un roman fantastique ; c’est aussi un miroir tendu vers notre avenir, nous invitant à la vigilance face aux promesses séduisantes d’un progrès sans limites.

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Merci de votre attention, Maître Heimatlos.